
La diversité au travail est devenue un enjeu majeur pour les entreprises françaises, avec un cadre réglementaire qui ne cesse de se renforcer. Les employeurs doivent désormais mettre en place des actions concrètes pour favoriser l’inclusion et lutter contre les discriminations, sous peine de sanctions. Cet article examine les principales obligations légales en matière de diversité qui s’imposent aux entreprises, ainsi que les bonnes pratiques pour les mettre en œuvre efficacement.
Le cadre juridique de la non-discrimination et de la promotion de la diversité
La législation française en matière de non-discrimination et de promotion de la diversité au travail repose sur plusieurs textes fondamentaux. Le Code du travail interdit toute discrimination fondée sur des critères comme l’origine, le sexe, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle. La loi du 27 mai 2008 a transposé plusieurs directives européennes et renforcé la protection contre les discriminations dans l’emploi.
Plus récemment, la loi Égalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 a introduit de nouvelles obligations pour les entreprises en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité. Elle impose notamment aux employeurs de former leurs salariés chargés des recrutements aux enjeux de la non-discrimination.
Le Code pénal sanctionne quant à lui les discriminations à l’embauche ou dans l’emploi par des peines pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour les personnes physiques.
Ce cadre légal contraignant vise à garantir l’égalité de traitement entre tous les salariés et candidats à l’emploi, quel que soit leur profil. Les employeurs doivent donc être particulièrement vigilants dans leurs pratiques de recrutement et de gestion des ressources humaines pour se conformer à ces obligations.
Les actions obligatoires en faveur de l’égalité professionnelle femmes-hommes
L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes constitue un axe majeur de la politique de diversité des entreprises. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a considérablement renforcé les obligations des employeurs dans ce domaine.
Toutes les entreprises d’au moins 50 salariés doivent désormais calculer et publier chaque année leur Index de l’égalité professionnelle. Cet index, noté sur 100 points, mesure les écarts de rémunération et d’évolution de carrière entre les femmes et les hommes. Les entreprises n’obtenant pas la note minimale de 75 points s’exposent à des pénalités financières.
Par ailleurs, les entreprises de plus de 50 salariés ont l’obligation de négocier un accord relatif à l’égalité professionnelle ou, à défaut, d’établir un plan d’action unilatéral. Cet accord ou plan doit prévoir des mesures concrètes pour réduire les écarts de salaires et de carrière entre les femmes et les hommes.
La loi impose également des quotas de femmes dans les instances dirigeantes des grandes entreprises. Ainsi, les conseils d’administration des sociétés cotées doivent compter au moins 40% de femmes. Des objectifs similaires s’appliquent progressivement aux comités exécutifs et de direction.
Enfin, les entreprises doivent mettre en place des actions de prévention du harcèlement sexuel et des agissements sexistes au travail. Cela passe notamment par la désignation d’un référent harcèlement sexuel et la mise en place de procédures de signalement.
L’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap
L’emploi des personnes handicapées fait l’objet d’obligations spécifiques pour les employeurs. La principale est l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) qui s’impose à toutes les entreprises d’au moins 20 salariés.
Ces entreprises doivent employer des personnes handicapées à hauteur de 6% de leur effectif total. Si ce quota n’est pas atteint, elles doivent verser une contribution financière à l’Agefiph, l’organisme chargé de favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Pour respecter leur obligation d’emploi, les employeurs peuvent :
- Embaucher directement des travailleurs handicapés
- Accueillir des stagiaires en situation de handicap
- Sous-traiter auprès du secteur adapté et protégé
- Conclure un accord agréé prévoyant un programme d’actions en faveur de l’emploi des personnes handicapées
Au-delà de cette obligation légale, les entreprises doivent veiller à l’aménagement des postes de travail pour les rendre accessibles aux personnes handicapées. Elles peuvent bénéficier d’aides financières de l’Agefiph pour réaliser ces aménagements.
La formation et la sensibilisation des équipes sont également essentielles pour favoriser l’inclusion des travailleurs handicapés. Les managers doivent notamment être formés à l’accueil et à l’intégration des collaborateurs en situation de handicap.
La lutte contre les discriminations liées à l’âge
Les discriminations fondées sur l’âge, que ce soit envers les jeunes ou les seniors, sont interdites par la loi. Les employeurs doivent donc veiller à l’équité de traitement entre les différentes générations, tant dans le recrutement que dans la gestion des carrières.
Concernant l’emploi des seniors, les entreprises d’au moins 300 salariés ont l’obligation de négocier un accord ou plan d’action en faveur de l’emploi des salariés âgés. Ce dispositif doit prévoir des mesures concrètes dans au moins trois des domaines suivants :
- Recrutement de salariés âgés
- Anticipation des évolutions professionnelles et gestion des âges
- Amélioration des conditions de travail et prévention de la pénibilité
- Développement des compétences et accès à la formation
- Aménagement des fins de carrière et transition entre activité et retraite
- Transmission des savoirs et des compétences
Pour l’insertion professionnelle des jeunes, les entreprises peuvent notamment recourir aux contrats en alternance (apprentissage, professionnalisation) qui bénéficient d’aides financières de l’État. Elles peuvent également mettre en place des programmes de mentorat pour favoriser la transmission des compétences entre générations.
La mise en place d’une politique de gestion des âges permet aux entreprises de valoriser la complémentarité entre les générations et de bénéficier de la diversité des profils et des expériences au sein des équipes.
Promouvoir la diversité des origines et des cultures
Bien qu’il n’existe pas d’obligation légale spécifique en matière de diversité des origines, les entreprises doivent veiller à prévenir toute discrimination liée à l’origine réelle ou supposée, la nationalité ou l’appartenance ethnique.
Pour promouvoir cette diversité, de nombreuses entreprises mettent en place des actions volontaires comme :
- La sensibilisation des équipes aux stéréotypes et aux biais inconscients
- L’anonymisation des CV pour garantir l’équité dans le processus de recrutement
- La diversification des canaux de recrutement pour toucher des profils variés
- La mise en place de programmes de mentoring pour accompagner l’évolution professionnelle des talents issus de la diversité
- Le soutien à des associations œuvrant pour l’insertion professionnelle dans les quartiers prioritaires
Certaines entreprises choisissent de s’engager dans des démarches de labellisation comme le Label Diversité, délivré par l’AFNOR, qui atteste de leur engagement en faveur de la prévention des discriminations et de l’égalité des chances.
La promotion de la diversité culturelle passe également par la prise en compte des pratiques religieuses des salariés. Si le principe de neutralité peut être inscrit dans le règlement intérieur, l’employeur doit veiller à ne pas adopter de mesures discriminatoires et à rechercher des accommodements raisonnables (aménagement des horaires, adaptation des menus de la cantine, etc.).
Mettre en œuvre une politique de diversité efficace : bonnes pratiques et recommandations
Pour aller au-delà du simple respect des obligations légales et faire de la diversité un véritable levier de performance, les entreprises peuvent s’appuyer sur plusieurs bonnes pratiques :
1. Impliquer la direction : L’engagement de la direction générale est indispensable pour impulser une véritable culture de la diversité dans l’entreprise. Cela peut se traduire par la nomination d’un Chief Diversity Officer rattaché directement à la direction.
2. Former et sensibiliser : La formation de l’ensemble des collaborateurs, et en particulier des managers et des recruteurs, est essentielle pour lutter contre les stéréotypes et promouvoir des pratiques inclusives.
3. Objectiver les processus RH : L’utilisation d’outils d’évaluation objectifs dans le recrutement et la gestion des carrières permet de réduire les biais discriminatoires.
4. Mesurer et piloter : La mise en place d’indicateurs de diversité (dans le respect du cadre légal) permet de suivre les progrès réalisés et d’ajuster les actions si nécessaire.
5. Communiquer en interne et en externe : Une communication régulière sur les engagements et les résultats en matière de diversité renforce l’adhésion des collaborateurs et l’attractivité de l’entreprise.
6. Favoriser le dialogue social : L’implication des partenaires sociaux dans la définition et le suivi de la politique de diversité est un facteur clé de réussite.
7. S’ouvrir sur l’extérieur : La participation à des réseaux d’entreprises engagées sur la diversité permet d’échanger sur les bonnes pratiques et de mutualiser certaines actions.
En adoptant ces bonnes pratiques, les entreprises peuvent faire de la diversité un véritable atout stratégique, source d’innovation et de performance économique et sociale. Au-delà du respect des obligations légales, c’est l’ensemble de la culture d’entreprise qui doit évoluer vers plus d’inclusion et d’ouverture à la différence.